La Faute à Rousseau - N°95 - Février 2024 Banlieues

Présentation du dossier
Banlieues

Il n’est pas si fréquent que La Faute à Rousseau choisisse, comme thème de son dossier, un type de zone géographique. En 2009 cependant, elle avait traité des Villes (FAR n° 50). C’est seulement quinze ans après qu’elle aborde l’autre part du diptyque avec Banlieues. De quelles banlieues va-t-on parler ? Des banlieues ouvrières, des banlieues dortoirs, des banlieues résidentielles ? Il y a tant de banlieues diverses autour de nos villes.

L’image de la banlieue est souvent négative ; on a tous dans la tête des histoires de cités qui s’enflamment, au propre et au figuré. Image évidemment limitative. Mais l’axe autobiographique de la revue l’impose : avant tout, ce que nous chercherons à montrer, c’est comment ses habitants disent vivre en banlieue ; comment ils y travaillent, se déplacent, se distraient. La place qu’elle occupe dans leurs souvenirs d’enfance. Le poids affectif qu’elle représente pour eux : est-ce qu’ils l’aiment, la détestent, ou encore les deux à la fois ? Vivre en banlieue, est-ce pour eux un choix ou une nécessité ? S’il fallait choisir, toutes choses égales par ailleurs, resteraient-ils y vivre ?
La banlieue en question : que faut-il en faire, comment la faire évoluer ? Des urbanistes, des enseignants, des architectes ont planché sur ce dossier épineux. Les gouvernements successifs, au gré des acronymes toujours renouvelés, s’y sont confrontés. Le dossier de la FAR, lui, reflète entre autres ces trente dernières années de mutation des banlieues, à travers des livres et des films, d’Azouz Begag à Faïza Guène, de François Maspéro à Alice Diop. Les banlieues de demain sont en gestation : on en verra sans doute la trace dans les textes déposés au fonds APA.

Editorial
Tous essentiels

Notre époque chamboulée a besoin de repères. La littérature n’y fait pas exception. Est-ce pour cela que le journal Le Monde a entrepris en décembre 2023 de publier une collection intitulée « Chefs-d’œuvre en petit format. Les essentiels de la littérature en version intégrale » ? À cette occasion, la professeure de littérature Tiphaine Samoyault a exposé dans un article la place et le rôle, dans le monde des lettres, de ces chefs-d’œuvre universellement connus et reconnus, dont la sélection ne prête guère à contestation.
On pourrait penser que cette bibliothèque prestigieuse n’a rien à voir avec les textes collectés dans le fonds APA, textes inédits et que peu de personnes ont pu lire. Mais regardons d’un peu plus près. Comme le fait remarquer Tiphaine Samoyault, la notion de « classique » a émergé au XIXe siècle dans le cadre d’une aspiration à lier langue, littérature et nation. Un corpus qui constituerait, dit-elle, « un grand récit de la mémoire commune ». Cela semble effectivement fondé. Mais cette mémoire commune, ne repose-t-elle que dans les œuvres des écrivains estampillés « classiques » ? Pour être complète, n’a-t-elle pas besoin aussi du vaste ensemble que forment les écrits autobiographiques des gens « ordinaires » ou, comme nous préférons parfois le dire, des gens qui sont seulement « sans notoriété » ?
L’intérêt des textes déposés à l’APA pour les sciences sociales, notamment l’histoire et la sociologie, est amplement démontré par le nombre des chercheurs qui viennent les consulter et les exploitent dans leurs travaux. Pour ceux-ci, leur valeur de témoignage s’avère incontestable. Ce n’est pas encore le cas pour les chercheurs en littérature ; ils pourraient pourtant y trouver la trace de ce qu’ont pu être, à diverses époques puisque le fonds APA couvre plusieurs dizaines d’années, les écritures de soi. Et y découvrir des textes qui pour certains, sont de véritables perles d’un point de vue littéraire. On en observe déjà le reflet dans les cahiers thématiques de relecture que publie l’association.
De plus, la démarche des contributeurs à l’APA semble pouvoir s’inscrire dans le vaste mouvement d’évolution de la littérature qui s’est amorcé depuis le début du XXIe siècle, une pratique relationnelle jouant un rôle réparateur, comme le montrent notamment les travaux d’Alexandre Gefen ou encore de l’anthropologue Michèle Petit. Ainsi, chaque segment de la grande entreprise collective de l’écriture aura sa place. Tous sont essentiels.

Sommaire

ÉDITORIAL
Essentiels 3

OUVERTURE
Page blanche
Elizabeth Legros Chapuis : Villa Alice, un conte de notre temps 4
L’évènement
Juin 1940 dans les récits de vie - Interview de René Rioul
par Véronique Leroux-Hugon 7

DOSSIER : BANLIEUES
Préambule
Marie-Dominique Pot : La lieue du ban 12
Une vie en banlieue
Pierre Kobel : Territoire de mémoire 13
Isabelle Valeyre : Du pavillon à la tour 15
Jean Verrier : Banlieusard de souche 16
Denis Dabbadie : Un appart à soi 18
Annie Rambion : Massy, Grigny, années 70 20
Enfances d’immigrés
Bernard Massip : Nogent-sur-Ritals 22
Véronique Leroux-Hugon : Jeunesses de banlieue 23
Elizabeth Legros Chapuis : Le destin français d’un petit Rital 25
Robert Ouaknine :Bagnolet-Montreuil, fragments d’enfance 26
L’écriture en banlieue
Lina Ribeiro : Enseigner l’autobiographie 28
Philippe Lejeune : D’une banlieue l’autre 31
Sonia Goldie : Ma banlieue rouge entre les lignes 32
Catherine Dommergues : Merci d’être venus de si loin 34
La banlieue en question
Françoise Simonet-Tenant : Le regard de Cendrars 36
Jean-Pierre Marchand : Roland Castro en « urbatecte » 38
Bernard Massip : 1989-2020, de François à Alice 40
Jean-Marie Bretagne : A nous deux, la banlieue 43
Agnès Chemama : Z.U.S., Z.R.U., Z.S.P., Q.P.V. et les autres… 44
Fantin : Les anneaux de Saturne 46
Finale
Philippe Lejeune : Caudéran 47

FONDS APA
Fonds Yves Margotat [APA 2866], présenté par Nathalie Amiaux Denis 49
Fonds Christine Pascal [APA 4000], présenté par Claudine Krishnan 53
Thomas Pillard : Christine Pascal au miroir du cinéma 55
Registre des entrées, dépôts reçus de juin à novembre 2023 59

CHRONIQUES
Bernard Massip : Une épiphanie de la douleur (Naige Sinno) 61
Gérald Cahen : Champagne ! (Daniel Rondeau) 62
E. Legros Chapuis : Plongée vers un continent englouti (J.-Ph. Toussaint) 64
Arnaud Genon : Des nuages pour Benoît (Mathieu Simonet) 65
Isabelle Valeyre : « Comment Proust a changé ma vie » (Laure Murat) 67
E. Legros Chapuis : Comment écrire son carnet de voyage (E. Ryser) 68
Catherine Merlin : Le romanesque du quotidien (Sandrine Tolotti) 69
E. Legros Chapuis : Mnémosyne, Le rapport à l’espace en autobiographie 70
Arnaud Genon : La parole des artistes sur le sida 71
Sylvie Jouanny : Little Girl Blue - de mère en fille, la (re)conquête d’un
héritage en mots et images 72

VIE DE L’ASSOCIATION
À travers la vie des groupes APA 74
Groupes en ligne : vidéos et jardins 77
Marion Vallée Carecchio : La parole aux déposants 77
Bernard Massip : Paroles de syndicalistes à Toulouse 78
Isabelle Valeyre : « Souvenirs du Chili meurtri » 79
Une nouvelle recrue à Ambérieu 80
Dernières publications APA 80

Couverture : Photo Pierre Kobel, 2023