La Faute à Rousseau- N°91- Octobre2022 : Nos écoles

lundi 24 octobre 2022

  • Réf. : ISBN FAR 91
  • Prix : 12 €
  • Disponibilité : Oui

On trouvera désormais ici, dans la page de présentation de chaque numéro de La Faute à Rousseau, l’introduction du dossier thématique suivi de l’éditorial puis du sommaire complet.

Présentation du dossier
Journées de l’autobiographie, Ambérieu-en-Bugey, 8-10 juillet 2022 : Nos Écoles

En rentrant d’Ambérieu, je pensais avec émotion aux nombreuses personnes qui sont venues dire à Philippe Lejeune : « Avec l’APA, tu as changé ma vie ! »
Oui, depuis 30 ans, Philippe et l’APA ont joué un rôle essentiel dans nos existences, grâces leur soient rendues ! Ces Journées, si longtemps différées par la pandémie, leur ont rendu un hommage mérité et ont été particulièrement riches en émotions et en événements.
Après cette attente imposée par le virus, le plaisir des retrouvailles était au rendez-vous : renouer avec nos habitudes apaïstes, faire ou refaire connaissance, se rencontrer et dialoguer à nouveau après une si longue période, tout cela a donné une tonalité joyeuse aux rencontres et aux discussions informelles, tout en imprégnant le dialogue lors des tables rondes, des ateliers et des « cartes blanches ».

Les 30 ans de l’APA
Créée en 1992, l’APA fête son trentenaire. Comme l’a dit Philippe, l’APA devenue adulte a décidé de publier son autobiographie, et elle l’a fait de diverses manières grâce à ses fidèles adeptes : une exposition, un livre, un film ... et tant de souvenirs évoqués !
À tout seigneur tout honneur : c’est à Philippe Lejeune, fondateur et président, qu’il revenait d’ouvrir cette manifestation. Avec la modestie et la discrétion qui lui sont coutumières, et avec le délicieux humour que nous connaissons bien, il a prononcé un bref discours qui rappelait les débuts de l’APA et évoquait son développement.
Présentée pendant toute la durée des Journées, une exposition en douze panneaux a présenté les collections de l’APA par divers exemples judicieusement sélectionnés et mis en scène de manière fort attrayante par la photographe Rachel Paty qui a réalisé les maquettes et coordonné la fabrication finale : ainsi sont montrées la richesse et la variété des documents figurant dans nos dépôts, qui représentent « un trésor et une source remarquable de connaissance de l’expérience humaine, dont la consultation est ouverte à tous ».
La soirée de samedi a été consacrée à la présentation du superbe livre au titre qui s’imposait, Chère APA, publié sous la responsabilité d’Elizabeth Legros-Chapuis, avec des contributions de nombreux Apaïstes, et du film magnifiquement réalisé par Martine Bousquet, "L’APA, 30 ans de partage". Tous deux évoquent tous deux la vie de notre association depuis 1992. Ils ont été vivement applaudis par le public, ainsi que la belle initiative de Laurence Santantonios, qui publie dans ses Éditions du Mauconduit (collection Vivre/Écrire) des volumes dont les textes sont tirés des fonds de l’APA.

« Nos écoles »
Le sujet choisi pour les Journées 2022 parlait directement au cœur de chacun et chacune : nous avons toutes et tous passé par les bancs de l’école et beaucoup parmi nous sont ou ont été dans l’enseignement.
Comme l’a souligné Gérald Cahen, modérateur de la table ronde de samedi sur L’école dans l’autobiographie, l’école est pour l’enfant « la porte d’entrée dans la société » qui le marquera sa vie durant, probablement davantage par l’apprentissage social avec les camarades et les professeurs que par les contenus de l’enseignement.
Après deux exposés passionnants de nature historique, celui de Pierre Caspard sur le rôle des précepteurs privés et celui de Marlène Kayen sur un choix de documents déposés au DTA (Deutsches TagebuchArchiv), Chantal Cambronne a présenté dans un vibrant exposé le bilan positif et négatif qu’elle tire des 50 ans passés à l’école, comme élève et étudiante d’abord, puis comme enseignante confrontée au chahut dans ses classes. En l’absence de Pierre Kobel, Bernard Massip a présenté en son nom les textes déposés sur le blog « Grains de sel » entre le 1er mai et le 15 juin 2022 : le nombre de ces textes (68 rédigés par 32 auteurs, 20 femmes et 12 hommes) atteste combien le public se sent concerné par ce sujet. La discussion qui a suivi l’a prouvé également, autant du côté des anciens élèves que des anciens enseignants !
La table ronde de dimanche a permis d’aborder l’autre versant du thème, L’autobiographie dans l’école. Sous la houlette haute en couleurs d’Anne Poiré-Guallino, qui remplaçait Claudine Krishnan empêchée, trois spécialistes ont traité ce sujet sous différents angles. Vittoria Sofia a présenté l’Université libre de l’autobiographie (Libera Universita dell Aubiografia, LUA) qui se trouve à Anghiari près d’Arezzo (Italie) et collabore étroitement avec la Fondation Archivio Diaristico Nazionale (rappelons que cette Fondation a été créée plusieurs années avant l’APA et a contribué à la réflexion qui a donné naissance à notre association).
Anne Dizerbo a parlé des usages et fonctions de l’autobiographie en cours de scolarité et de formation, tandis qu’Éric Nedelec a expliqué combien le récit autobiographique peut être un soutien pour les personnes concernées par l’illettrisme et en particulier les populations carcérales auprès desquelles il est très engagé. Quant à Anne Poiré-Guallino, elle a présenté avec enthousiasme les travaux (écrits et dessins) réalisés par ses élèves pendant le confinement.
Les ateliers ont permis aux participants de se réunir en petits groupes, soit autour de thèmes liés à l’éducation, soit pour évoquer par l’écriture les souvenirs sombres ou clairs de leur scolarité.
Pour ma part, comme d’autres Apaïstes, j’ai choisi les ateliers externalisés : l’occasion était idéale pour visiter les nouveaux locaux de l’APA en compagnie de Florian Gallien qui y passait ses derniers jours avant de relever un nouveau défi. C’est avec aisance et conviction - et sur la base d’exemples récents et concrets - qu’il a expliqué le travail que représente l’arrivée de nouveaux documents : contacts avec les donateurs-trices, sondage pour s’assurer qu’il s’agit bien d’autobiographies, premier inventaire et inscription dans les fonds avant l’envoi dans les groupes de lecture, etc. Il nous a fait visiter les dépôts et a répondu avec bonne grâce aux multiples questions posées.
Le dimanche matin, je me suis rendue comme une quarantaine de participants aux ateliers des soieries Bonnet à Jujurieux, étonnant « cloître industriel » où ont vécu et travaillé au milieu du XIXème siècle environ 600 jeunes filles entre 12 et 25 ans, bien encadrées par des religieuses de la congrégation de St-Joseph, et bien formées par un patron paternaliste et bienveillant (qui était aussi un homme d’affaires avisé), Claude-Joseph Bonnet. Michel Baur avait présenté la veille dans une « carte blanche » cette entreprise modèle, ce qui nous a permis d’aborder avec toutes les informations nécessaires la visite du musée et des ateliers, sous l’excellente conduite d’une médiatrice aussi enjouée qu’érudite.

Ces Journées animées et fécondes ont rassemblé environ 80 personnes, en grande majorité membres de longue date de l’APA ; il y avait aussi quelques nouvelles recrues qui se sont montrées enthousiasmées par l’atmosphère chaleureuse, amicale et bienveillante de notre association, reflet de la « lecture en sympathie » qui en est l’essence même.

Chantal de Schoulepnikoff

Éditorial : Le temps qu’il fait

Peut-on tenir un journal du ciel ?
Non pas une météorologie prédictive et utilitaire, mais simplement contemplative, attentive, jouissive ? On se souvient, chez Proust, du père du narrateur trouvant idiot Bloch, l’ami de son fils qui se prétend indifférent au temps qu’il fait : « comment ! Il ne peut même pas me dire le temps qu’il fait ! Mais il n’y a rien de plus intéressant ! C’est un imbécile ».
Oui, on peut tenir un journal du ciel, par précaution, certes, mais aussi pour jouir de ses métamorphoses, tenir registre de ses fluctuations, en tirer sens et beauté. À preuve dans nos Garde-mémoire certaines pratiques remarquables, comme celle de Roland Louvrier, un adolescent qui commence en 1939 à dessiner et peindre le ciel quatre fois par jour, pour le plaisir, il sera de son métier pépiniériste, et météorologue amateur… ou comme Jacqueline Chebrou, citoyenne du Havre, qui tient, semestre après semestre, un journal quotidien du temps qu’il fait : « elle a le regard émerveillé du narrateur de la Genèse, elle voit que tout est beau et bon. Elle se voudrait peintre pour saisir les nuances subtiles créées par le soleil ou l’ombre », nous dit Elisabeth Cépède dans son écho de lecture. « Mais c’est la nuit qu’elle préfère. La nuit enveloppante lui fait sentir qu’elle fait partie du grand Tout ».
Heureuse époque !
Aujourd’hui le temps qu’il fait est devenu un sujet tragique. Il ne fait plus rêver, mais trembler. Le réchauffement climatique, les gaz à effet de serre, le CO2, la fonte des glaciers, les canicules, les incendies, les inondations, l’élévation du niveau des mers, tous les indicateurs sont au rouge, et même au noir. L’APA, comme les autres lieux d’archivage, se donne pour mission de conserver pour les générations futures le témoignage de nos vies. Ces générations seront sans doute curieuses de nous, si elles arrivent à survivre. Soyons d’abord inquiets pour elles. À nous de leur transmettre le souvenir des temps heureux où l’on voyait sans crainte le soleil se lever. « L’aurore un matin me parut si belle… », écrivait Rousseau. À nous d’essayer de construire, à cet effet, une Maison de l’autobiographie qui préserve la mémoire de nos vies ordinaires, de leurs tourments et de leurs charmes. À nous, face à une humanité aveugle, absorbée par ses violences au milieu du désastre écologique, à nous de dessiner les plans et de peupler, dans l’espoir de temps meilleurs, ce qui pourrait être une nouvelle arche de Noé…

Philippe Lejeune

Sommaire

Éditorial
Le temps qu’il fait 3
 
Ouverture
Page blanche
Catherine Merlin : Lieux de Perec,
une expérience d’écriture sans précédent 4

L’évènement
Sylvie Jouanny : Parution du Cahier de l’Herne Annie Ernaux 7
Hélène Gestern : Annie Ernaux, Le Jeune Homme 9
 
Nos écoles
Chantal de Schoulepnikoff : Nos Journées 2022 11
 
Jadis
Pierre Caspard : L’école à la maison ? 12
Philippe Lejeune : Journal de l’échec d’une éducation par le journal 14
Elizabeth Legros Chapuis : Le monde cruel de l’école d’antan 15
 
Naguère
Sylvie Jouanny : Une école rurale dans les années 60 17
Anna Rozen : Souvenirs parcellaires 19
Agnès Chemama : La cloche et le drapeau 21
Marie-Dominique Pot : Mes institutrices 22
Malcolm Saunders : Enquête sur ma scolarité primaire 24
 
La collecte de « Grains de sel »
Pierre Kobel : Souvenirs d’école, analyse et bilan 25
Francine Lechevretel : La classe unique 27
M.-Fr. Després-Lemarchand :
À l’institut Notre-Dame d’Avranches 29
 
L’apprentissage du récit de soi
Philippe Lejeune : Chauvelon 30
Anne Poiré Guallino : Confinement et témoignages d’élèves 32
Catherine Flot-Dommergues : Une singulière rencontre 34
Patrick Goujon : Début(s) 36
Anne Dizerbo : L’autobiographie projective 38
Carine Dierkens : Récits de formation d’instituteurs 41
 
Aventures engagées
Éric Nedelec : En lutte contre l’illettrisme 43
Michèle Cohen : Yérouba, Ramah, Amina et les autres 45
Christine Eschenbrenner : Madame François et nous 47
V. Leroux-Hugon : Leïla Sebbar et l’instituteur indigène 50
 
D’autres façons d’apprendre
Bernard Massip : La tradition compagnonnique 52
Isabelle Mercat-Maheu : Élève dans une école Freinet 55
Gabrielle De Conti : Nos écoles, la découverte 57
 
Ailleurs
Marlene Kayen : Aspects de l’éducation
dans les textes déposés au DTA 58
Isabelle Valeyre : Enseigner en Algérie dans les années 70 60
Vittoria Sofia : Les écritures autobiographiques et l’école :
l’expérience italienne 62
 
Finale
Chantal Cambronne : « J’ai longtemps détesté l’école » 65
 
Fonds APA
Quelques traces de 1992 dans les journaux personnels, textes
présentés par Claudine Krishnan 68
 
Chroniques
Juliette Goursat : Alice Guy, La Fée-cinéma 79
E. Legros Chapuis : Philippe Artières, Histoire de l’intime 81
Bernard Massip : Constance Debré, Nom 82
E. Legros Chapuis : Yves Charnet dans Les Moments littéraires 84
Pierre Kobel : Sally Mann, Tiens-toi bien ! 85
Gérald Cahen : Olivier Rolin, Vider les lieux 87
 
Vie de l’association
Bernard Massip : Nos trente ans 89
Fr. Bonnot-Jörgens : Avoir seize ans en 1959 90
Quoi de neuf à l’APA ? 91
Publications de l’APA 92