R. Ben Bella, S. Erambert, R. Lakhéchène, A. Philibert, J. Ponthus : Nous… La cité

samedi 24 août 2013, par Philippe Lejeune

Zones, 2012

Rachid Ben Bella, Sylvain Erambert, Riadh Lakhéchène, Alexandre Philibert, Joseph Ponthus : Nous… La cité, « On est partis de rien et on a fait un livre »

Quatre garçons d’une vingtaine d’années dans une cité, à Nanterre : les voilà devenus écrivains ! C’est grâce au cinquième auteur, Joseph Ponthus, lui « éducateur de rue », que leurs écritures ont abouti au livre. Un site Internet, Article 11, un témoignage oral transcrit pour Le Canard enchaîné, l’idée d’un atelier d’écriture, l’attention d’un éditeur attirée, et voilà le projet lancé. Le livre se présente à nous sous la forme du journal de l’animateur, dans lequel sont sertis, au fur et à mesure, les textes produits.

Cela devient, grâce à ce « making-of », un reportage à double détente : le contexte, le cadre, les difficultés surmontées servent de transition entre deux univers, celui des lecteurs du livre, et celui des quatre auteurs qui vont jouer à fond le je autobiographique, pour nous faire comprendre un monde différent, celui des cités, avec ses lois, ses règles, ses loyautés, ses épreuves, ses violences, ses souffrances et ses bonheurs.

Contrôles d’identités, provocations, explications difficiles avec l’appareil policier et judiciaire. La maîtrise de l’écriture va d’abord leur servir à naviguer au mieux face à la justice, vers la liberté. Des lettres citées témoignent de cette maîtrise de l’argumentation, cette assimilation de la langue de l’autre.

Mais la force du livre est ailleurs, dans l’invention d’une écriture à soi, sans ambages, qui transmet l’élan et le rythme de la parole. Il y a, et c’est le plus étonnant, le journal dru, direct, tenu spontanément par Rachid Ben Bella pendant un mois passé au « mitard », pour « tenir ». Il y a les lettres échangées entre les potes, et glanées par Joseph Ponthus, qui les publie avec des notes éclaircissant pour nous leur lexique.

Il y a surtout, fort instructives, bien menées, les séances d’atelier d’écriture qui vont porter sur l’école d’abord, qui sera d’ailleurs plutôt pour Rachid « l’école de la rue », apprendre à voler et à se battre… Puis sur les émeutes de 2005, le commerce de la drogue… Puis sur la religion… sur la prison… Joseph Ponthus avait d’autres thèmes en réserve : le boulot, la famille, la politique, les flics, mais, son association battant de l’aile, il a dû clore l’expérience.

Conclusion de Rachid :
« On n’a pas cherché à se faire passer pour des gens bien ou des gens mauvais ; on témoigne, c’est tout ». Le livre se lit d’un souffle, grâce à la médiation de l’éducateur, grâce au parti pris d’authenticité des quatre écrivains, qui ont parié à fond sur la vérité pour franchir les barrières de l’incompréhension.