Montauk, doublement autobiographique

mardi 6 juin 2017, par Élizabeth Legros Chapuis

Pour réaliser son nouveau film Retour à Montauk, le cinéaste allemand Volker Schloendorff a adapté le récit de l’écrivain Max Frisch, Montauk (paru en français chez Gallimard en 1978). Ce récit était clairement autobiographique, même si des nuances peuvent être apportées à cette affirmation, par exemple sur la base de l’article de Ruth Vogel « Montauk de Max Frisch, réécritures et autocensure ».

Mais Schloendorff n’a pas suivi le récit de Frisch de très près et, qui plus est, il y a introduit des éléments de sa propre autobiographie : c’est ce qu’il a indiqué lors de la projection du film en avant-première (le 5 juin au cinéma Le Méliès de Montreuil), à laquelle il était présent en compagnie de l’actrice principale du film, Nina Hoss. Le cinéaste, qui semble avoir par rapport aux textes autobiographiques des sentiments mitigés (« même le journal le plus sincère fait encore de la littérature »), a pourtant écrit sa propre autobiographie, Tambour battant (parue chez Flammarion en 2009).

Rappel du synopsis :
L’écrivain Max Zorn, accompagné de sa jeune femme Clara, se rend à New York pour promouvoir son dernier roman qui raconte la passion amoureuse qu’il a eue autrefois dans cette ville avec une autre femme, Rebecca, originaire de l’Allemagne de l’Est. Par hasard, il revoit Rebecca ; il apprend qu’elle est devenue une brillante avocate. Ne parvenant pas à l’oublier, il lui propose de passer un dernier week-end ensemble à Montauk, un village de pêcheurs au bout de Long Island, où ils allaient ensemble dans le passé. Ce voyage lui montrera que le retour en arrière, qu’il voudrait pour réparer les regrets que cet amour inachevé lui a laissés, n’est pas possible.

Le débat suivant la projection a donné lieu à d’intéressantes perspectives sur le rapport du récit à la réalité et sur les notions de vérité et de mensonge en matière d’autobiographie. Le film joue habilement sur des séquences ambiguës telles que la toute première, où l’on voit le personnage principal lire à haute voix un extrait de son livre. Il semble s’adresser à nous de manière intime mais, à la fin du passage, la caméra recule, laissant voir qu’il s’agit en fait d’une lecture publique.

Dans l’ensemble, étant donné que tout ce qui se déroule (ou presque) est raconté tel qu’il est vu par Max Zorn, ce dernier occupe pratiquement la place d’un narrateur similaire à celui qui dit « je » dans le récit de Max Frisch – qui n’a même pas changé son prénom.