Mario Pomilio : le récit interrompu

vendredi 9 février 2018, par André Durussel

Éditions de la Revue Conférence, 2018

Mario Pomilio (1921-1990) a été un grand romancier italien dont certaines oeuvres ont été traduites en français : par exemple Le Cinquième Evangile (Fayard, 1997) ou Le Cimetière chinois (Denoël, 1985). Dans une récente et remarquable traduction de Christophe Carraud, responsable des Editions de la Revue Conférence, sous le titre : Le récit interrompu, cette maison vient de publier, dans la collection Lettres d’Italie, ce petit ouvrage qui avait rencontré un accueil louangeur en 1991.

Le renoncement à écrire, sous la plume de Mario Pomilio, se transforme ici en une leçon d’écriture, véritable méditation sur la vieillesse et la maladie, les paysages et les ciels de Rome ou de Naples, l’amour conjugal et les difficultés de la création. Partant d’un carnet de notes contenant l’ébauche d’un roman concernant Jérôme Napoléon, ce cousin de Napoléon III venu finir son exil dans un hôtel du Trastevere, centre historique sur la rive droite du Tibre, Mario Pomilio procède ainsi à un va-et-vient mélancolique entre sa vie quotidienne et celle de ce Jérôme, qu’il voyait s’enfoncer dans le dédale habituel des ruelles du Babuino ou celles débouchant dans le Corso.

Ce qui m’a aussi frappé dans ce récit, c’est sa relation avec les personnages romanesques. Les lignes de Mario Pomilio rejoignent en effet les propos d’autrefois de François Mauriac dans Le romancier et ses personnages. Ce passage du Récit interrompu est significatif à ce sujet :

C’étaient ses personnages qui le découvraient, et non l’inverse. Ils venaient à sa rencontre avec leur identité, leurs traits, leur histoire, les registres secrets de leur personnalité, mais à partir de ce moment ils s’appropriaient son existence en pénétrant dans les interstices de sa vie mentale, en l’obligeant à dissiper ses propres zones d’ombre, à lever ses défenses intimes. Il s’apercevait finalement qu’il avait procédé à travers eux à une lecture de lui-même. (Op. cit. p.34)

Une lecture de lui-même ? Tout l’art de l’autobiographie, c’est aussi cela. Celui de Mario Pomilio était grand.