Guy Lachenaud, Comme un arbre qui marche

mercredi 11 mars 2020, par Catherine Merlin

Professeur de lycée, puis d’université, Guy Lachenaud a passé toute sa vie à enseigner. Aujourd’hui octogénaire, après un premier livre de souvenirs intitulé "Le Galopin et l’écrivain" (éd. Amalthée, 2008), il a publié en 2018 ce nouveau volume essentiellement axé sur son activité pédagogique, reflétant sa conviction profonde de la valeur des humanités classiques.

Un mot sur le titre, Comme un arbre qui marche, dont le sens ne s’impose peut-être pas d’emblée. Il se réfère à Ovide dans les Métamorphoses, à Erri De Luca, écrivain napolitain amoureux des arbres, et surtout à la parole du Christ dans l’Évangile selon saint Marc : « Je vois les hommes comme des arbres qui marchent ». Car Guy Lachenaud est aussi un croyant et il l’assume même si, dans son parcours, il n’a pas toujours été facile d’être « le catho de la laïque ».

Le livre s’avère un peu foisonnant, tantôt suivant l’ordre chronologique (au début), tantôt s’ouvrant sur des chapitres thématiques : les voyages, la musique (Guy Lachenaud est aussi l’auteur d’une étude, Les Routes de la voix, éd. Belles-Lettres, 2013), la défense des études classiques, une réflexion sur la laïcité… tantôt encore intercalant une liste de ses publications professionnelles, livres et articles. L’auteur a le souci de rendre hommage à ceux qui ont été ses professeurs, que ce soit au lycée ou à l’ENS Ulm, où il a été le condisciple de Régis Debray et de… Philippe Lejeune. Retrouvant ce dernier en 2010, il a d’ailleurs déposé à l’APA le journal de son arrière-grand-tante, Mathilde Mercier, épouse Bruneteau

Auteur d’une thèse de doctorat de 3e cycle sur Plutarque, puis de doctorat d’État sur Hérodote, il a réalisé plusieurs voyages en Grèce ; sans surprise, c’est plutôt aux traces de la Grèce antique qu’il s’intéresse quand il se rend à Delphes, à Sparte, à Dodone : « L’Arcadie, cette Grèce profonde, a su préserver les vieux principes de frugalité et d’hospitalité ». Et il alerte sur les dangers de la déconstruction du « miracle grec » : « Il est illusoire de vouloir fonder les conceptions et les pratiques démocratiques sur l’exemple fondateur de l’Athènes péricléenne […] »

Guy Lachenaud, alors maître assistant à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nanterre, était aux premières loges en mai 68 ; il en livre une chronique qui s’achève sur un jugement plutôt favorable : « Il convient de ne pas exagérer les effets des divergences politiques et d’insister sur la richesse des débats et la libération de la parole. 1968, c’est un mouvement qui va bien au-delà de l’action des groupuscules idéologiques. » Mais son grand combat reste la défense des études classiques, s’achevant en plaidoyer pour la pérennité du livre, avec ou sans majuscule.

La seconde moitié du livre fait davantage de place aux éléments plus personnels, quoique pas vraiment intimes, tels que l’évocation de sa famille et de ses racines : père français, mère canadienne – avec la mention d’un secret de famille, qui restera secret, en rapport avec les origines irlandaises de la branche maternelle. La généalogie est davantage développée du côté paternel et débouche sur l’évocation de la Vendée, son terroir, avec la mer et la Loire. Vairé, le village vendéen où se trouve la maison de famille, devient le prétexte d’une chronique le décrivant sous la Révolution et les Chouans.

Au final, un regard sympathique sur une carrière bien remplie, marquée d’une manière d’être indélébile : « Je dis parfois que je suis un héritier, bien éloigné, de Vallès, de Péguy et des camarades dont l’école a favorisé la promotion. Je ne puis m’empêcher de stocker des notes de lecture comme autant de tesselles en attendant qu’elles prennent place dans la mosaïque de mes écrits. »

Catherine Merlin

Guy Lachenaud, Comme un arbre qui marche, éd. Amalthée, 2018, 240 p.