Emmanuelle de Boysson : Un coup au cœur

mercredi 28 février 2024, par André Durussel

Calmann-Lévy, 2024

Intitulé « Roman », ce récit dans lequel Emmanuelle de Boysson « s’est interdite d’inventer ou de tricher », est bien à ranger dans le domaine de l’autobiographie. C’est l’expérience d’une mort imminente, intermédiaire ou provisoire, vécue par elle-même l’année dernière, dans sa soixante-huitième année, après un arrêt de son cœur durant une trentaine de minutes. Les chapitres 2 à 9 évoquent avec beaucoup de détails et de précisions médicales les étapes de son hospitalisation, puis sa lente réadaptation dans le monde des vivants, cela à partir du chapitre dixième.

Cette expérience si forte, si profondément intime, est toutefois difficile à transmettre. Les témoignages concernant les EMI (ou NDE : Near-Death Expérience) sont certes assez nombreux. Quatre pour cent de la population mondiale en auraient vécu. Toutefois, cette excursion dans un pays de lumière et de plénitude a encore de la peine actuellement à se faire entendre, particulièrement par les prêtres de l’Église catholique, cette dernière étant toujours prudente face à toute forme de dérive spirituelle.

Ainsi ces lignes de la p. 91, si savoureuses et révélatrices d’un « Enfer » duquel l’on ne peut ressortir... Reprendre pied dans la réalité, tout en étant encore en milieu hospitalier, n’est jamais facile. Elle écrit :
« Il y a du monde autour de moi, l’on se croirait au lever de la reine. Parmi les blouses vertes, une jeune fille au teint pâle, les yeux de biche ourlés de longs cils.
 Bonjour, je suis la psychologue du service, dit-elle en rougissant. Comment vous sentez-vous ?
Je lui avoue mon appréhension à reprendre pied. Elle comprend, elle a l’habitude de soutenir les mourants et leurs familles. Sa voix caressante adoucit la peine, allège les chagrins, son regard bleuté soigne. Elle s’efface pour laisser place à l’interne de garde. Une nouvelle échographie a montré que mon cœur se contractait mieux. D’après lui, je vais pouvoir être transférée en cardiologie. »

Cette plongée dans l’au-delà qu’Emmanuelle de Boysson partage avec allégresse est à la fois bouleversante et rassurante.